LETTRE OUVERTE A SEGOLENE ROYAL
Permettez-moi, en tant que militant socialiste, la plus grande franchise quant aux sentiments acerbes qui m’animent, suite à l’emballement médiatique récent provoqué par la parution du livre Hold-uPS, arnaques et trahisons.
Pour qui souhaite le plus grand mal du Parti socialiste, cet ouvrage présenté comme une investigation journalistique mais en réalité étonnement partisan – et vous savez en faveur de qui –, tombe à pic. De l’UMP à l’extrême gauche, en passant par François Bayrou et même Daniel Cohn-Bendit, tous ceux qui espèrent en secret la mort de notre parti, aujourd’hui jubilent.
Car nul doute que l’université d’été de La Rochelle avait des allures de « Congrès d’Epinay »: Parce qu’à La Rochelle nous avons surmonté les querelles fratricides. Parce que nous avons su faire primer l’intérêt collectif avant les postures narcissiques. Parce que nous avons renoué avec les intellectuels de gauche et amorcé les vrais débats d’idées. Parce que nous nous sommes enfin décidés à rénover de fond en comble notre parti, à nouveau nous suscitons l’espoir et l’enthousiasme à gauche, y compris parmi nos sympathisants les plus incrédules. Et pourquoi le taire, les échos très encourageants de La Rochelle ont fini par rendre inquiet Nicolas Sarkozy, candidat très empressé à sa propre succession.
Autant dire donc que ce livre écrit par deux journalistes ayant une conception déontologique de leur profession des plus douteuses, cause énormément de tort au Parti socialiste. L’on est cependant en droit de s’interroger devant l’empressement de certains médias à faire une telle publicité à un livre bassement politique, peu flatteur pour notre première secrétaire, et qui dénonce des pratiques électorales frauduleuses mais sans en apporter la preuve. Est-ce symptomatique d’un « quatrième pouvoir » désormais aux ordres car sans réels contre-pouvoirs et en train de perdre son indépendance ? Ou devons-nous plutôt y voir la consécration de la « société du spectacle » prophétisée jadis par Guy Debord ? Peut-être les deux à la fois.
Quoi qu’il en soit, votre mise en scène médiatique consécutive à cette nouvelle polémique me scie : Vous faites mine de découvrir naïvement que l’élection du 21 novembre 2008 en faveur de Martine Aubry serait obscurcie de zones d’ombres et de pratiques électorales douteuses. Mais, pour autant que je m’en souvienne, vous fûtes si prompte l’an dernier à menacer dès la proclamation des résultats d’ester en justice en vue de l’annulation de l’élection ! Pourquoi alors ne pas l’avoir fait à ce moment-là ? Madame, de par votre longue expérience militante au sein de l’appareil, vous savez pertinemment que des soupçons d’anomalies pèsent dans les deux camps. Et pour tout vous dire, je fus, à ma connaissance, l’un des rares militants partisan de Martine Aubry à avoir proposé sur le site d’information Mediapart que l’on procède à une nouvelle élection. Il me semblait en effet plus sage d’asseoir la légitimité de l’actuelle première secrétaire sur des bases démocratiques solides et irréprochables, d’autant que je reste jusqu’à ce jour convaincu que si l’on avait revoté, Martine Aubry l’aurait très nettement emporté.
Cependant, je vous le dis sans détour : Presqu’un an après la validation des résultats par le Conseil national du PS, prétexter de la parution de ce libelle – et j’ose au moins espérer que de près ou de loin vous n’êtes pas mêlée à cette parution – pour à nouveau insinuer que cette victoire vous a été volée, et alors même que notre parti est incontestablement en train de se ragaillardir, relève au mieux d’une faute politique, et au pire d’une égoïste irresponsabilité !
« Il est temps, il est grand temps » que tous nous retrouvions le sens de l’intérêt collectif. Car la gauche n’est vraiment elle-même que lorsqu’elle place l’intérêt général au cœur de son éthique et de ses pratiques. La refondation de nos idées et de nos valeurs d’abord, et les primaires ensuite. Le sarkozysme comme « peopolisation » et « narcissisation » outrancières de la vie politique est éculé. Nous le verrons bien assez tôt.
Alors je veux croire que votre très prochaine « déclaration solennelle » ne sera que votre dernier tour de manège médiatique, avant votre retour dans la « maison commune. »
David Dahomay, militant socialiste et membre de Gauche Avenir,
Guadeloupe, 13 septembre 2009.